Ce 26 mai, au Bus Palladium, se tenait la deuxième édition du Festival Post In Paris, premier festival parisien entièrement dédié au post-rock et dérivés du genre. Le retour d’une belle manifestation, visant à rassembler la communauté d’amateurs de post-rock, post-metal, post-hardcore et math-rock de France et d’ailleurs, et à promouvoir la scène locale.
9 groupes venus de France, d’Angleterre et du Luxembourg ont fait le Post In Paris 2018 et ses 10h de marathon musical. Une deuxième édition couronnée de succès et organisée de main de maître, dans un esprit purement do it yourself mais d’une qualité professionnelle remarquable. Là où la passion, l’ardeur et le talent produisent des merveilles.
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Dragunov (Post-Metal – Paris)
C’est aux Parisiens de Dragunov qu’il revient d’ouvrir le festival. Il est 14h, et le Bus Palladium est déjà bien rempli. Le public est venu tôt, et en masse, pour ne pas perdre une miette de cette journée. Dragunov, c’est Sébastien Pineau et Tristan Monein. Un duo guitare batterie, que j’avais découvert il y a quelques semaines, lors d’une soirée de concerts à L’International. Ce soir-là, le son n’était pas optimal, et je n’avais pas gardé un souvenir impérissable du set des Parisiens. Qui plus est, un groupe qui choisit de s’appeler du nom d’un fusil de snipers soviétiques, et qui monte sur scène affublé de masques à gaz, a tout, sur le papier, pour me faire peur. Mais, à conditions différentes, impressions différentes, et ce soir, au Post In Paris, c’est comme si je redécouvrais le groupe. Et la redécouverte est belle.
Le son est fort mais parfaitement calibré. Les riffs sont abrasifs, lourds et sombres. L’atmosphère, inquiétante, immédiatement tendue. Guitare et batterie se répondent dans un dialogue sans paroles, fait à la fois de feu et de glace. Fortes de chemins intrigants et de reliefs sinueux, les compositions se déroulent, massives et hypnotiques. Glaçantes et captivantes. Un set d’une fougue et d’une intensité remarquables, ouverture réussie de cette deuxième édition du Post In Paris.
Dragunov a donné le jour à « Korolev », son premier album, au printemps dernier.
A écouter :
Bandcamp : https://dragunov.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/dragunovduo
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Montagne (Post-Metal – Paris)
Quelques minutes plus tard, le trio parisien Montagne investit la scène. Une guitare, une basse, deux pieds de micros et une batterie. Un chant crié qui me laisse sur le bord de la route, mais des compositions d’une très belle énergie. Furieuses à souhait et fort appréciées du public du Bus Palladium.
Après un premier EP paru l’année dernière, Montagne vient tout juste de donner le jour à son deuxième opus, « Spring Birds ». Le groupe sera en concert le 25 août au Festival La Bergerie, à Mareuil-sur-Cher.
A écouter :
Bandcamp : https://montagneoutdoor.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/montagneband/
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Treha Sektori (Dark-Ambient – Paris)
Cette déferlante d’énergie cède la place au sombre et lent désespoir de Treha Sektori. Un homme, des machines, des images. « We don’t wear masks. We’re born with the knowledge of death. » Membre du collectif artistique Church Of Râ (Hessian, Oathbreaker, Amenra, Kingdom, Syndrome), Dehn Sora alias Treha Sektori développe depuis 2005 un dark-ambient à la fois troublant et captivant.
Seul derrière ses machines et devant son large écran, le musicien convie l’auditoire à un voyage introspectif aux confins des ténèbres. Le travail sur le son est admirable. Celui sur les images, à l’esthétique soignée, l’est tout autant. Une expérience visuelle et auditive saisissante. En variations, en subtiles nuances et en tensions, les nappes sonores se construisent et se déploient avec force et solennité. Mystique et intrigant, l’univers de Treha Sektori envoûte irrésistiblement.
Un set noir, immersif et enveloppant.
Treha Sektori sera en concert le 12 juin à Lyon, au Blogg.
A écouter :
Bandcamp : https://trehasektori.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/trehasektori
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Steve Strong (Post-Rock – Angleterre)
D’un one man band à l’autre, de l’obscurité à la lumière, les paysages sonores se suivent et ne se ressemblent pas. Il est 17h, et c’est au tour de Steve Strong, multi-instrumentiste venu de Bristol, d’investir la scène du Bus Palladium. Le musicien est seul, assis derrière sa batterie. D’une technique parfaite et d’une dextérité admirable, il jongle des baguettes à la guitare, à la basse et aux machines. Les rythmes, complexes et originaux, et les notes, scintillantes et inspirées, s’égrènent au gré de boucles qui se superposent puis s’enchevêtrent avec brio.
Post-rock, math-rock, trip hop, ambient, shoegaze, Steve Strong brouille les pistes à loisir et à bonheur. En vivacité et en sensibilité. En force et en délicatesse. Dans le palpitement d’un battement de coeur, dans le désordre des émotions, il déploie ses compositions avec une aisance et une beauté déconcertantes. Superbe.
Mon coup de coeur de cette édition du Post In Paris 2018.
A écouter :
Bandcamp : https://stevestrongmusic.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/SteveStrongUK/
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GrimLake (Post-Rock – Paris)
Un rapide changement de plateau et quelques balances plus tard, et les compositions voyageuses de GrimLake viennent s’épanouir dans une salle désormais quasi-comble. Projet parisien mené par Mathieu Legros, GrimLake peint des paysages faits de vastes étendues et de rêves enchanteurs. Sur scène, le compositeur et multi-instrumentiste est accompagné de trois musiciens. Ensemble, ils donnent vie à ces compositions très cinématographiques, où les lignes de clavier se mêlent aux guitares, dans d’émouvants crescendos.
Plusieurs nouveaux morceaux inédits alternent avec les compositions du réussi « Atlas Hands », paru en 2015. D’une jolie créativité et d’une belle intensité, le set déroule ses variations atmosphériques et ses notes vaporeuses sur un public attentif et concentré. Un très beau voyage, orchestré avec soin et sublimé par un jeu de lumières magnifique.
GrimLake travaille actuellement à la sortie de son deuxième album.
A écouter :
Bandcamp : https://www.facebook.com/SteveStrongUK/
Facebook : https://www.facebook.com/Grimlake
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Nesseria (Post-Hardcore – Orléans)
Nesseria, tête d’affiche post-hardcore du festival, prend ensuite possession du Bus Palladium. Le quintet orléanais vient interpréter son dernier album, « Cette érosion de nous-mêmes », en intégralité.
La puissance, la véhémence rageuse et l’intensité sont magnifiques, mais les hurlements de voix torturés n’en finissent pas de me serrer le coeur, me rendant le spectacle impossible. Un set qui, s’il a eu raison de mes tympans sensibles, n’en a pas moins enchanté le public venu en nombre pour s’en délecter.
A écouter :
Bandcamp : https://nesseria.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/nesseria.music/
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Lost In Kiev (Post-Metal – Paris)
Une bière et un oeuf mayo au bar d’en face plus tard, et me voici de retour au Bus Palladium. Juste à temps pour assister à la prestation des Parisiens de Lost In Kiev. En quelques minutes, à la faveur de son univers sombre et habité, le quatuor envoûte l’auditoire. Guitares, basse, batterie, samples de voix et touches électroniques se marient ici à bonheur. De souffles de sonorités aériennes en vagues de vibrations puissantes, de crescendos atmosphériques en explosions dramatiques, les musiciens subliment majestueusement leurs riches compositions sur scène.
L’interprétation se fait à la fois en contrôle et en passion, dans le juste dosage d’une rage noire et dense. La basse gronde. Les guitares s’embrasent. La batterie hypnotise. Un set crépusculaire et intense.
Lost In Kiev travaille actuellement à la réalisation de son troisième album, dont la sortie est prévue l’année prochaine.
A écouter :
Bandcamp : https://lostinkiev.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/lostinkiev
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Jean Jean (Math-Rock – Paris)
Vient ensuite le temps des deux concerts que j’attendais avec le plus d’impatience en cette journée de festival, à commencer par celui du trio parisien Jean Jean. De son math-rock dynamité, et de sa joie de vivre légendairement communicative, Jean Jean enflamme le Bus Palladium dès les premières notes.
Toujours à l’aise, toujours souriants, les musiciens délivrent un set explosif. Le public, enthousiaste, danse et saute en tous sens, en scandant avec force « Jean » « Jean » « Jean » « Jean ». La batterie est minimaliste, et pourtant plus endiablée qu’aucune autre. Sorte de machine de guerre à produire des rythmes indomptables. Autour d’elle, le clavier et la guitare s’envolent, virevoltant avec force. Le travail sur les ambiances est saisissant. Elles sont énergiques, dansantes et jouissives. Sans pour autant être joyeuses. Du ravageur Coquin l’Eléphant, à la course folle du superbe Tensor Field, extrait de « Froidepierre » tout juste paru, les compositions du groupe prennent une merveilleuse ampleur en live. Au gré de cavalcades frénétiques et de décrochements géométriques, elles distendent et déforment la matière. Au gré de boucles et de réverbérations vibrantes, et d’éclatants contrastes, elles dessinent le bord du précipice. Et, une fois de plus, en écoutant Jean Jean, je danse en pleurant. Sublime.
Tout juste rentré d’une tournée américaine, Jean Jean sera à l’affiche de plusieurs dates cet été en France, en Angleterre et en Belgique. Le groupe sera notamment de nouveau en concert à Paris le 23 juin, au Cirque Electrique, à l’occasion des 7 ans de l’association En Veux-Tu ? En V’là !
A écouter :
Bandcamp : https://jeanjean.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/jeanjeanmusic
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Mutiny On The Bounty (Math-Rock – Luxembourg)
A peine remis de nos émotions que s’installent sur scène les Luxembourgeois de Mutiny On The Bounty, groupe que j’aime beaucoup et que je n’avais encore jamais eu l’occasion de découvrir en live. C’est désormais chose faite grâce au Post In Paris 2018.
Alors que les rythmes, à la fois complexes et implacables, s’élèvent avec ferveur, la chaleur est à son paroxysme dans la salle. Bouillonnement de riffs. Cadences abruptes, fougueuses et incisives. Variations asymétriques parfaites. La technique est exemplaire. L’exécution intense et sans faille. Le quatuor se régale et régale un public enchanté. De torrents de notes denses et impétueux, en rythmiques addictives et débridées, Mutiny On The Bounty n’en oublie pas pour autant de conserver avec brio le sens de la nuance. Un set absolument jubilatoire.
Magnifique clôture d’une journée foisonnante et réussie.
A écouter :
Bandcamp : https://mutinyonthebounty.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/mutinyonthebountytheband/
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Merci le Post In Paris, et vivement l’année prochaine.
Eglantine / Totoromoon
Une réflexion sur “Totoromoon au Festival Post In Paris 2018”