Il est parfois des beautés musicales qui viennent me hanter. Discrètement mais sûrement. Elles s’accrochent là, d’abord dans mon esprit, puis tout au fond, dans mes entrailles. Elles me réveillent la nuit. Elles viennent y résonner, encore et encore.
Elles finissent par m’habiter. M’habiter tout entière. Sans que je puisse vraiment l’expliquer. Sans que je puisse rien y faire. « Odin’s Raven Magic » est de celles-là. Elle est venue m’habiter. Irrésistiblement. Dans le foudroiement de sa beauté.
Depuis 2002, date de sa création pour le Reykjavik Arts Festival, « Odin’s Raven Magic » n’a été jouée qu’une poignée de fois, et est devenue un véritable mythe pour les fans de Sigur Rós. Cette oeuvre en forme d’oratorio inspirée par un poème médiéval islandais du 14e siècle est née d’une collaboration entre la célèbre formation islandaise et deux de ses compatriotes, les artistes Hilmar Örn Hilmarsson et Steindór Andersen.
Dix-huit ans après, l’album tout juste paru est le fruit de l’enregistrement de cette création en France en 2004, lors de sa présentation à la Grande Halle de la Villette, avec un orchestre composé des lauréats du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, et la Schola Cantorum de Reykjavik, dont les choeurs ont été dirigés et arrangés par Maria Huld Markan Sigfúsdóttir, membre d’Amiina, et Kjartan Sveinsson, ancien membre de Sigur Rós.
Oeuvre orchestrale crépusculaire, elle arrive à point, en ce début d’hiver où le temps continue d’être suspendu aux aléas du monde. Posée là où se mêlent, par les bons soins des talentueux Islandais et mieux que partout ailleurs, solennité de la déclamation poétique et ardeur de la musique. Magnifique.
Le poème « Hrafnagaldur Óðins », traduit « Odin’s Raven », tirerait son nom d’un hommage à Hugin et Munin, les deux corbeaux messagers du dieu Odin. Il évoque, dans une forme d’avertissement apocalyptique, la fin du monde des dieux et des hommes.
La musique de Sigur Rós peint ainsi la catastrophe, en mettant au premier plan l’orchestre et les choeurs, navigant de douceurs en dissonances, de subtilités en exubérances. La voix du poète se fait par endroits presque incantatoire, mêlant présage funeste et plainte élégiaque. Affirmant sa place au fil de l’oeuvre, elle porte, en majesté, le récit dramatique au creux des notes. A elle se joignent les résonances froides et inquiétantes d’un marimba à cinq octaves, composé à partir de morceaux de pierres du sculpteur Páll Guðmundsson. L’ensemble, sur lequel vient planer par endroits la voix de fausset de Jónsi, emporte dans un maelstrom aussi terrifiant qu’enchanteur, fort d’envolées somptueuses, jusqu’à ce que les notes s’évanouissent dans les applaudissements de fin d’album.
Avec la parution sur disque de cette beauté, Sigur Rós nous fait le meilleur cadeau possible de fin d’année.
Pour le découvrir :
Tracklist :
- Prologus
- Alföður orkar
- Dvergmál
- Stendur æva
- Áss hinn hvíti
- Hvert stefnir
- Spár eða spakmál
- Dagrenning
Site web : https://sigurros.com/
Bandcamp : https://sigurros.bandcamp.com/
Facebook : https://www.facebook.com/sigurros
Eglantine / Totoromoon
Très bel article Églantine (vus et écoutés en live il y a longtemps, mais finalement pas ma came, jamais pu accrocher sur disque aussi, même si c’est d’un très haut niveau de sensibilité, je l’admet sans souci ;-o))
Merci pour tes qualités d’écriture aussi
mon cadeau de fin d’année est mon site perso ;-o) (et puis Beethoven la 9ème par Karajan si tu peux, au moins le 4ème mouvement)
Enjoy
Ki o tsukete ne !
Merci beaucoup V. pour ce gentil message ! Je n’ai pas encore eu le temps de découvrir ton site, mais je le fais dès que possible, félicitations pour sa mise en ligne. Je te souhaite une très belle nouvelle année 🙂