
Je rentrais d’une escapade au bord de la mer. D’un petit cocon feutré d’amis retrouvés. D’air vivifiant et de mots réconfortants.
Dans le train, j’avais réécouté Ô Lake et Chris Garneau. Je les avais imaginés sur la scène du Café de la Danse, héros musicaux de cette soirée à laquelle j’avais eu la chance d’être invitée et vers lequel mon train me conduisait.
J’étais triste de rentrer, de me retrouver de nouveau nez-à-nez avec ma solitude, mes pensées et mon coeur lourds, mais la perspective des concerts de ces deux artistes que j’adore était une consolation douce. Et elle s’est révélée plus douce encore qu’espérée, tant ils m’ont comblée.
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Depuis trois ans, Ô Lake, nouveau projet du talentueux compositeur et multi-instrumentiste rennais Sylvain Texier, n’en finit pas de venir m’enchanter. De ses notes de piano chaleureuses et cristallines, de ses nappes synthétiques évanescentes et ouatées, Ô Lake se fait le magicien de jours et de nuits propices aux pensées voyageuses et à la rêverie.
Si je l’avais découvert accompagné d’un trio à corde et d’un comparse au piano et aux machines il y a quelques années au Hasard Ludique, puis en duo lors d’un intime concert au casque à la Galerie Kykart, c’est seul qu’il investit cette fois la scène du Café de la Danse.
Le piano résonne doucement, enchanteur. Il est bientôt rejoint par les nappes synthétiques, qui s’envolent crescendo, avant que les beats électroniques ne viennent à leur tour déchirer l’espace sonore. De fulgurances dramatiques en délicatesses sensibles et apaisées, à la faveur d’un son parfaitement équilibré rendant justice à la grâce à la fois subtile et intense de ses compositions, Ô Lake transporte en majesté. Et en beauté.
A écouter :
Site web : http://www.olakemusic.com/
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Quelques minutes plus tard, Chris Garneau s’installe à son tour sur scène, accompagné de deux comparses qu’il ne tardera pas à présenter. Maxime Vavasseur, son acolyte de toujours, à la guitare, à la basse, aux voix et aux machines, et Romain Garcia, qui les accompagne pour la première fois à la batterie.
Ici, le pudique et sensible songwriter américain vient présenter les titres de son nouvel album, le non moins pudique et sensible « The Kind », paru l’année dernière mais privé de performances live par la pandémie.
Merveille d’élégance aussi subtilement mutine que poétique, la musique de Chris Garneau se teinte en live d’une dimension nouvelle. Celle, que porte sa magnifique voix à la fois plus douce et plus forte, mais aussi plus chaude encore lorsqu’elle résonne en direct, d’une vivacité à la fois intense, déchirante et légère, tout en intimité, en fraîcheur et en authenticité.

Est-ce parce que la privation de concerts rend chaque occasion d’y assister plus précieuse et plus savoureuse encore ? Ou est-ce l’émotion bouleversante qui émane de cette soirée ? Mais chaque note de ces compositions habitées par cette voix délicate et profonde semble captiver un public plus attentif que jamais, et ce, dès les premières mesures du raffiné Won’t Use, qui ouvre le set.
S’adressant à l’auditoire, le musicien américain relève la date du jour. Nous sommes le 13 février 2022 soit 15 ans jour pour jour depuis son premier concert en France. Un symbole qui le rend tout chose. Lui, qui nous semble faire preuve d’une si belle humilité, et d’une si touchante timidité.
Mu d’une sensibilité à fleur de peau, il se livre ici de la manière la plus poignante qui soit. Troublé, presque tremblant, se disant ému d’avoir la chance de revenir jouer en France et en Suisse à l’occasion de ces deux semaines d’une tournée qui s’achève ce soir, il s’excuse entre deux morceaux d’avoir peut-être un peu perdu de sa voix après plus de deux ans sans pouvoir donner de concerts.

Si je regrette par moments que le son fort et sec de la batterie prenne l’ascendant sur les autres instruments, l’ensemble, magnifié par de somptueux jeux de lumière, empli malgré tout l’espace sonore en harmonie.
Alors que se sont intercalés quelques morceaux du merveilleux « Music for Tourists », mais aussi de « Winter Games » et « Yours », entre les titres du récent et réussi « The Kind » joué pour mon plus grand bonheur presque en intégralité, Chris Garneau reste seul au piano pour interpréter trois des quatre derniers morceaux de sa setlist. Parmi eux, l’ancien Baby’s Romance, et sa délicieuse reprise du beau Between the Bars d’Elliott Smith.
Yeux fermés, je sens une deuxième larme discrète commencer à couler sous mon masque. La première avait fait son apparition sur le tendre For Celeste. D’autres suivront, imperceptibles dans l’obscurité des lieux.
You don’t have to go away… Stay here… You have… No… Fear.
Après quelques mots d’au revoir chaleureux, puis quelques minutes d’un déluge d’applaudissements, le trio revient jouer Stranger, nouveau single dévoilé il y a tout juste quelques semaines, suivi pour finir de Home Town Girls, extrait de « El Radio », point d’orgue d’une soirée émouvante et réconfortante à souhait.

Setlist du concert, Café de la Danse 13/02/2022 :
- Won’t Use
- The Kind
- Old Code
- Telephone
- For Celeste
- Danny
- Gentry
- Castle-Time
- Not The Child
- Winter Song 1
- Winter Song 2
- Little While
- Relief (duo)
- Baby’s Romance (solo)
- Between the Bars (solo)
- Now On (solo)
- So Slow (duo)
Encore :
- Stranger
- Home Town Girls
A écouter :
Site web : https://www.chrisgarneau.com/
Merci encore à Patchrock pour l’organisation de cette belle soirée,
Eglantine / Totoromoon

Une réflexion sur “CHRIS GARNEAU & Ô LAKE au Café de la Danse”