
Au Post In Paris, il y a la force de la musique et d’une communauté de post-rockeurs habitée par la passion et le talent. Mais il y a aussi la force de la gentillesse, de l’ouverture d’esprit et de la bienveillance, ces qualités sans égales dans le monde souvent dur et parfois fou que nous connaissons. C’est donc avec de la chaleur dans le coeur que je brave le temps peu clément de ce dimanche matin orageux pour me rendre de nouveau à Petit Bain, pour une deuxième journée de festival qui s’annonce d’ores et déjà de toute beauté.
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Horion (Math Rock – Paris)
C’est avec joie que je retrouve le trio parisien Horion, déjà savouré il y a quelques mois sur la scène de L’International, et qui s’apprête à ouvrir cette deuxième journée de la quatrième édition du festival.
Après « Monorchide » un délicieux premier EP paru en 2020, la jeune formation s’apprête à donner le jour à un deuxième EP, que le public du Post In Paris a aujourd’hui la chance de découvrir sur scène peu avant sa sortie. Sur scène, soit là où le trio excelle à faire se mêler ses belles influences rock pour créer des compositions tendues vers de nouvelles explorations rythmiques et structurelles, donnant naissance à un math rock instrumental complexe mais n’oubliant jamais d’être mélodieux et spontané.
En ce début d’après-midi, alors que le public, arrivé tôt, se masse petit à petit, Horion déploie d’emblée avec ferveur ses rythmes enlevés et ses notes vives et précises. Tour à tour en finesse, en énergie et en intensité, le trio s’applique à réchauffer l’atmosphère encore fraîche de la salle de concerts de Petit Bain. Il le fait habilement et fougueusement, transmettant sa vivacité à un auditoire enthousiaste et comblé. Une formation prometteuse, et une belle inauguration de cette nouvelle journée de festival.
A écouter :
Bandcamp : https://horion.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/horionparis
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Floh (Musique électronique / Folk – Paris / Marne-la-Vallée)
L’air se chargeant de moiteur et l’orage se faisant de plus en plus menaçant, c’est une fois de plus dans la cantine de Petit Bain que les concerts prévus sur le pont ont dû être déplacés. Et c’est le one man band Seine-et-Marnais Floh qui a l’honneur d’ouvrir les quatre concerts qui auront lieu ici lors de cette deuxième journée.
Onze années se sont écoulées entre le premier EP de Floh et « Let It Be My Way », son premier album paru à l’automne 2019. Un album foisonnant et abouti, dont la longue maturation n’aura pas été vaine, et pour lequel l’artiste s’est entouré d’une pléiade d’invités de renom, de Nikkfurie (La Caution) à Faustine Berardo (Munshy, Orchester, La Nébuleuse d’Hima), en passant par Patrick Biyik (Twin Twin, The Accident), Lemdi aka Lord N, Violet Arnold et bien d’autres. Si la folk demeure le genre de prédilection de Floh, celui-ci en repousse ici les limites en s’aventurant avec témérité dans d’autres territoires. Guidé tantôt par la voix chaleureuse du musicien, tantôt par d’autres, l’auditeur embarque ainsi dans un voyage où hip hop, post-rock et musique électronique viennent coloniser les paysages folk épurés du musicien.
En live, armé d’une guitare acoustique, d’un ukulélé, d’un clavier, de plusieurs pédales, de deux micros et d’une console électronique, le musicien donne vie à ses morceaux en leur faisant progressivement prendre corps sous les yeux de spectateurs venus en nombre l’écouter. Il y est question de connaissance et d’amour de soi, de paternité, d’histoires qui fonctionnent ou ne fonctionnent pas, de révolte et de combats. Des thèmes universels pour des compositions d’une variété et d’une richesse remarquables, que Floh déploie de ses boucles de notes, de rythmes et de voix superposées en direct avec ingéniosité. Ainsi du beau Ghost From The Past, extrait de son dernier album, ou encore du captivant Small Hands dans lequel viennent cingler des beats électroniques et qu’il nous dit avoir écrit pour sa fille, assise sagement au milieu du public. Intense et émouvant final d’un set réussi.
A écouter :
Bandcamp : https://flohmusic.bandcamp.com/releases
Facebook : https://www.facebook.com/flohmusic
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When Waves Collide (Post-Rock – Paris)
Les premiers accords électrisés des Parisiens de When Waves Collide retentissent depuis quelques instants quand j’arrive en bas des escaliers menant à la cale.
Après un premier EP prometteur, les quatre musiciens donnaient le jour l’année dernière à leur premier album. Depuis 2017, la formation parisienne oeuvre à déployer un post-rock fait de pièces instrumentales concises, sobres et efficaces. Et elle le fait avec un talent certain, comme le démontre « Chasm », un opus enlevé, toujours en quête de nouvelles sonorités.
Mais c’est en live que les compositions du groupe prennent tout leur sens, et il le prouve une fois de plus ce dimanche, sur la belle scène de Petit Bain. Ici, le quatuor déploie comme à son habitude ses morceaux avec ardeur, leur donnant une nouvelle épaisseur. Les guitares, à la fois énergiques et éthérées, sont précises et harmonieuses, les nappes de claviers aériennes, et la basse et la batterie chaudes, fougueuses et vibrantes à souhait. Jusqu’à l’incisif Lawrence, extrait de son premier EP et qui vient clore le set en intensité, When Waves Collide livre des pièces accrocheuses, fortes d’envolées aussi mélodieuses que chaloupées, magnifiées par de beaux jeux de lumière en clair-obscur, et par un son rond et parfaitement équilibré.
A écouter :
Bandcamp : https://whenwavescollide.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/WhenWavesCollide/
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Violet Arnold (Soul / Trip Hop / Dream Pop – Paris)
Quelques instants plus tard, me revoici à la cantine, aux premières loges pour écouter la douce et talentueuse Violet Arnold, qu’il me tardait de découvrir en live.
Avec cette captivante artiste, le Festival Post In Paris met pour la première fois à l’honneur un one woman band. Et pas des moindres. Connue pour être la moitié du duo June & Lola, la musicienne dévoile en solo un univers à la fois magnétique, riche et sensible, mêlant avec talent soul, trip hop et electronica.
Elle est encore entrain de s’installer quand je prends place à quelques dizaines de centimètres de ses pieds. Un battement de cils plus tard, me voilà déjà transportée ailleurs, là où une voix à la fois douce et pénétrante, forte et fragile, porte des compositions qui toutes charment et intriguent, envoûtent et fascinent. Tissant en filigranes dans chacune une mélancolie tendre, les mains tremblant légèrement sur ses claviers, Violet Arnold, émue, émeut au plus profond. Elle le fait passionnément, les yeux, les oreilles et l’âme grand ouverts. Un véritable enchantement.
A écouter :
Bandcamp : https://violetarnold.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/violetarnold/
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Fleur Du Mal (Shoegaze / Pop Française – Paris)
Je reste dans la cantine pour assister au set de Fleur du Mal.
« Le cynisme, c’est ce qui nous tuera tous », telle est la phrase d’introduction, érigée en mantra, de la formation parisienne. Plus proche de Baudelaire que d’Oscar Wilde, Fleur du mal se donne ainsi pour mission de redonner du rêve à une société de plus en plus désabusée. Pour cela, ils convoquent à la fois le shoegaze, le post-metal et la chanson française, créant des morceaux faits de nappes vaporeuses et saturées, sur lesquels évolue des voix suaves, mélancoliques et éthérées. Tout en audace, par la force d’un romantisme aussi aérien qu’exalté.
En live, sous la forme d’un duo composé par les créateurs du projet, et alors que s’apprête à paraître « Spleen III », son nouvel opus, Fleur du Mal livre une performance originale, audacieuse et soignée. S’il ne m’a pas été à tout moment facile d’y entrer, elle n’a pas manqué de charmer le public venu nombreux pour l’écouter.
A écouter :
Bandcamp : https://wearefleurdumal.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/fleurdumalfrenchband
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Alpha Du Centaure (Post-Rock / Blackgaze – Lyon)
Voilà plus de cinq ans que je suis le cheminement d’Alpha du Centaure. Plus de cinq ans et plusieurs occasions manquées à regret de les découvrir en concert. Regrets effacés aujourd’hui grâce au Post In Paris.
Après deux beaux EP, les post-rockeurs français donnaient le jour en 2020 à leur premier album. Résidant désormais à Lyon, le duo est devenu quatuor, et c’est sous cette forme qu’il a créé « Paralysis », se réappropriant ses influences de post-rock et de shoegaze, mais aussi de post-metal et de post-black metal, pour les traduire de la plus vive et intense des manières en notes et en émotions. Il y a chez Alpha du Centaure cette fougue frénétique qui s’impose d’emblée. Mais il y a aussi ces flots faits de sons ronds et amples, qui montent progressivement, pour finir par engloutir l’auditeur tout entier.
Ainsi, je me demandais si je retrouverais assez, en live, la flamme que je sens monter en moi lorsque j’écoute les disques d’Alpha du Centaure. Et, non seulement je l’ai sentie monter, mais elle est venue me consumer tout entière. Par la force d’une batterie explosive et de riffs de guitares ardents, mais aussi d’une scénographie de toute beauté venant sublimer l’ensemble. Quand de jolies lampes vintage s’allument, s’éteignent, se colorent, venant percer çà et là l’obscurité des lieux à mesure que résonnent des rythmes lourds et cinglants. Si ce n’est quelques voix en forme de choeurs clairs sur un morceau, et l’intégration d’un chant crié, superflu à mon sens, dans un nouveau morceau du groupe joué en fin de set, la musique fiévreuse et noire du quatuor lyonnais emporte sans autres mots que ceux de ses instruments. Là, à la faveur d’une tension sous-jacente qui jamais ne disparaît, même quand l’amorce d’une quiétude inattendue se fait, elle oscille, imperturbable, entre caresse et chaos, et bouleverse irrésistiblement. Un très beau set.
A écouter :
Bandcamp : https://alphaducentaure.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/alphaducentaurefr/
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Contrevents (Musique électronique / Ambient – Paris)
ll est difficile de se faire une place dans la cantine, tant le public y est à présent rassemblé en nombre. Je me faufile donc jusqu’à me retrouver au pied de l’impressionnant enchevêtrement de câbles branchés pour le concert de Contrevents.
C’est de la rencontre musicale de Maxime Ingrand (Lost In Kiev) et Paul Void (Al-Qasar, ex-STAMP) qu’est né Contrevents. Et c’est aujourd’hui la toute première apparition live de ce nouveau projet, porté par deux musiciens talentueux et chers à mon coeur, et que j’étais curieuse de découvrir. Là où la guitare et les synthétiseurs de l’un jouent avec les cassettes, expérimentations rythmiques et électroniques de l’autre, faisant se rencontrer deux univers sonores aux couleurs différentes, pour n’en faire plus qu’un, plus riche et envoûtant que jamais. De l’introspection d’une musique ambient minimaliste aux envolées à la fois intrigantes et stridentes mêlant des influences de jazz, de musique industrielle et de musique expérimentale, Contrevents livre une performance en forme de fascinant voyage. Trente minutes magiques vers un ailleurs à la fois proche et lointain, faisant oublier l’orage qui commence à gronder au loin.
De la matière à écouter très bientôt.
Facebook : https://www.facebook.com/contreventsmusic/
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BRUIT ≤ (Post-Rock – Toulouse)
Des éclairs éblouissants, des coups de tonnerre assourdissants, une bière et des arancini plus tard, et me voici de retour dans la cale de Petit Bain pour celui qui est le concert que j’attends avec le plus d’impatience depuis le début du festival, celui des Toulousains de BRUIT ≤.
Toujours plus originales et intenses. Toujours plus émouvantes. Toujours plus époustouflantes d’audace et d’élégance. Telles sont les compositions de BRUIT ≤. Née de la volonté de renouer avec un processus de création sans contraintes, la musique du quatuor toulousain se situe là où post-rock, musique électronique et orchestrations néo-classiques font fi de leurs frontières pour se marier dans des pièces d’une incomparable richesse créative. A la faveur de vagues sonores qui bercent puis bouleversent, « The Machine is burning ans now everyone knows it could happen again », son premier album, paru l’année dernière et succédant à un déjà somptueux premier EP, se déploie ainsi en majesté. D’un courant à l’autre. Classique, folk, rock, électronique. D’un instrument à l’autre. Guitare acoustique, guitare électrique, basse, violoncelle, violons, cuivres, percussions. D’un son à l’autre. Aérien, doux, caressant. Dense, vibrant, tonitruant.
En live, par le saisissement de son intensité, BRUIT ≤ n’en finit jamais de venir surprendre, émerveiller et captiver. Il l’avait fait au Supersonic la première fois que je l’avais rencontré, après plusieurs années d’échanges écrits et de partages sur la messagerie de Totoromoon avec les deux amis à l’origine du projet, Clément Libes et Théophile Grecolinos. Il l’a fait de nouveau au Dunk! Festival il y a quelques jours, bien que le son ne soit pas aussi clair que je l’aurais souhaité. Et il l’a fait encore une fois, et de manière plus intense et saisissante encore, ce dimanche 5 juin à Petit Bain. Ce soir, le son était parfait, faisant honneur aux fantastiques compositions du quatuor. La batterie, la guitare, la basse, le violon et le violoncelle étaient à la fois plus clairs, plus vibrants et plus habités encore que jamais, déployant des vagues à la fois soyeuses et fiévreuses ajoutant à la chaleur écrasante qui régnait dans la salle privée de sa climatisation. Le silence, dans le public, était religieux avant, pendant, et après le set. Après, soit quand il a fallu laisser un instant se dissiper la sidération née de ce tourbillon musical avant de faire retentir un déluge de cris et d’applaudissements. L’émotion, dans les yeux de chacun, était palpable. La stupéfaction, aussi, pour ceux qui découvraient le groupe en live pour la première fois. Car émouvant et stupéfiant, c’est ainsi qu’était ce concert de BRUIT ≤, faisant vibrer le Petit Bain dans une apothéose grandiose de beauté.
Emue et stupéfaite, c’est aussi ainsi que j’étais, quand Clément Libes a pris le micro pour prononcer quelques remerciements. Parmi eux, il remerciait Eglantine, de Totoromoon, qu’il disait avoir aperçue dans la salle. Il m’a fallu quelques instants pour réaliser que c’était bien de moi qu’il parlait. Devant le public d’un Petit Bain bondé, applaudissant à tout rompre. Il m’a fallu quelques instants encore, pour réaliser que de grosses larmes me roulaient alors sur les joues. Grosses comme les émotions sans pareilles que ces musiciens ont depuis des années semées à bonheur dans mon coeur, à mesure que leur musique continuait de prendre vie et d’entrer dans ma vie. Et pour cela, c’est moi qui ne saurai jamais assez leur dire merci.
Ce soir, le concert de BRUIT ≤ fut sans nul doute pour moi le concert le plus inoubliable de cette nouvelle édition du festival. Sublime.
A écouter :
Bandcamp : https://bruitofficial.bandcamp.com
facebook : https://www.facebook.com/bruitofficial
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Ingrina (Post-Metal – Tulle)
Je ne suis pas encore vraiment remise de mes émotions, quand prennent place sur scène les musiciens d’Ingrina, que je me réjouis de découvrir en live pour la première fois.
Trois guitares, une basse, une batterie, et plusieurs voix, telle est la recette adoptée par la formation française pour réussir un post-metal relevant le défi d’être aussi tonitruant qu’élégant. Dans les réussis « Etter Lys » et « Siste Lys », ses deux premiers albums, le quintet autrefois sextet, né en 2016 en Corrèze, développe des pièces où rivalisent sens du drame et force épique, dans des vagues de sons mouvantes, desquelles surgissent des voix lointaines, écorchées et déchirantes. Nouveaux instruments plutôt que fil conducteur des morceaux, celles-ci viennent subrepticement tisser le fil de compositions denses, où la puissance des guitares et la cavalcade des percussions parviennent à n’engloutir jamais la mélodie, et où la noirceur ne manque jamais d’émouvoir.
En live, je m’attends à un set capable de marquer les corps et les esprits, et Ingrina ne me décevra pas. Ingrina, pour moi, c’est le premier confinement, passé seule pendant trois mois dans les 23 m2 de mon studio sous les toits. C’est le défouloir des soirs de lassitude, d’angoisse, de désespoir et de solitude. C’est l’un des rares groupes parmi ceux que je qualifie généralement de « trop fâchés pour moi », qui parvient à me toucher à l’âme. A faire sortir la rage enfouie en moi sans me faire peur. Par la force non seulement de ses instrumentations à la fois puissantes et ondoyant en subtilité, mais aussi de ses voix écorchées, résonnant dans le lointain pour élever plutôt que pour noyer. Et c’est à bonheur que j’entends pour la première fois ces pièces en live, déployées avec passion derrière un écran de spots et de fumée. Une magnifique manière de clôturer cette quatrième édition plus que réussie du Post In Paris.
A écouter :
Bandcamp : https://ingrina.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/ingrinaband
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Merci le Post In Paris, et vivement l’année prochaine.
Eglantine / Totoromoon

Une réflexion sur “Totoromoon au Festival Post In Paris 2022 – Jour 2”