
Des rêves par-delà les nuages, des moments de bonheur par milliers, de la douceur à foison, une santé de fer et de la musique dans le coeur, c’est une fois de plus ce que je souhaite à chacune et chacun de vous pour cette nouvelle année.
En 2022, Totoromoon a eu 10 ans. Vous avez été nombreux à venir célébrer cet anniversaire le 25 novembre à Paris, au Supersonic, lors d’une soirée de concerts placée sous le signe de surprises sonores et festives, et je vous en remercie.
En 2022, aussi, j’ai eu l’honneur de réaliser ma première collaboration musicale avec un artiste dont j’aime et admire le travail depuis toujours. « Il n’y a pas de cadavre donc pas de mort vraiment » est le fruit d’un projet dans lequel le talentueux Jérôme Josselin et moi-même avons mis tout notre coeur, et les retours élogieux que nous continuons d’en recevoir nous comblent de bonheur.
En 2022, enfin, vous avez été plus nombreux que jamais à m’envoyer vos témoignages d’enthousiasme et d’affection continus pour Totoromoon. Et pour moi, la bienveillance, l’ouverture d’esprit, la curiosité et la gentillesse de lecteurs comme ceux que j’ai la chance d’avoir n’ont pas de prix.
Voici mon album et mon EP préférés de l’année, suivis, par ordre alphabétique, des 30 albums et EP choisis parmi les nombreuses beautés musicales qui ont fait mon année 2022. Ils mêlent tous les genres à l’honneur chez Totoromoon, du post-rock au néo-classique en passant par la musique électronique, le shoegaze, le slowcore, la dream pop, la folk et la cold wave. N’hésitez pas à me faire part des beautés qui ont fait la vôtre.
Au plaisir de partager cette nouvelle année avec vous,
Eglantine
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ALBUM DE L’ANNÉE : VLMV « Sing With Abandon » – Angleterre, post-rock (ma chronique ici) ♥
Cet été, l’un des projets musicaux les plus chers à mon coeur était de retour avec un nouvel opus. Alma s’écrit désormais Vlmv. Depuis sept ans et en tout temps, de ses voix enchanteresses, de ses boucles de guitares aériennes, et de ses réverbérations atmosphériques, Vlmv vient soigner les âmes. Baume de douceur pour esprits et coeurs meurtris, à chaque nouvelle sortie, Vlmv ne fait que magnifier davantage sa musique d’une beauté éthérée à nulle autre pareille. Et « Sing With Abandon », son troisième album, en est une nouvelle brillante illustration.
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EP DE L’ANNÉE : Goodbye Meteor « Metanoia » – France, post-rock (ma chronique ici) ♥
Ce sont trois petits titres. Ce sont vingt-et-une petites minutes de musique. Trois petits titres et vingt-et-une petites minutes de musique d’un disque appelé « Metanoia ». Ces vingt-et-une petites minutes de musique m’ont accompagnée sans relâche et continuent de le faire. Elles viennent m’envelopper et me rattraper chaque fois que je me sens sombrer. Maîtrisant les codes d’un post-rock atmosphérique parfaitement exécuté, la formation picarde Goodbye Meteor y peint des atmosphères aussi immédiatement enveloppantes que saisissantes. Ses mélodies merveilleusement soignées, portées par des notes de guitares ciselées, s’envolent délicatement mais non moins résolument vers les cieux, à la faveur des rythmes d’une batterie élégante, d’une basse vibrante et de quelques nappes de voix aériennes et habitées. De ses envolées à la fois célestes et puissantes, « Metanoia » n’a de cesse de pousser à se laisser transporter, au-delà d’un moment présent inquiétant, vers un ailleurs fait d’espoirs libérateurs et étincelants.
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A.A. Williams « As The Moon Rests » – Angleterre, rock / folk (ma chronique ici)
Il y a chez A.A. Williams cette forme de sensibilité fragile heurtée à une irrésistible force de vie qui résonne en moi comme un miroir de ce que je suis. Il y a cette sobriété juste heurtée au rugissement d’un coeur passionné. Il y a cette retenue pudique heurtée aux confidences désarmantes. A l’image de la pochette de « As The Moon Rests », son nouvel album, et de sa magnifique prestation parisienne en première partie des post-rockeurs japonais de Mono, à laquelle j’ai eu la chance d’assister à la fin de l’été, A.A. Williams n’en finit pas de briller dans l’art des contrastes. Du haut de sa jeune mais déjà remarquable carrière, elle donne au clair-obscur une figure. Là où le blanc se heurte au noir et s’évanouit dans le gris. Là où perce la lumière d’un projecteur clair à travers l’obscurité d’une salle de concert. Comme une beauté qui s’ignore, elle avance ainsi à la fois en majesté et sur la pointe des pieds.
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Almost Silent « Shape Of Words » – France, ambient / post-rock (ma chronique ici)
Au milieu des jours gris, le « Shape Of Words » de Guy, alias Almøst Silent, parfait baume au coeur plus réconfortant et plus plein de beauté que jamais, venait remettre un peu de douceur dans ma vie, et un peu de rose sur le gris. A la faveur de huit nouvelles pièces faites de nappes électroniques vaporeuses, enveloppantes et feutrées, Almøst Silent fait évoluer sa musique de la manière la plus délicate qui soit. Si les sonorités y sont toujours discrètes et élégantes, elles gagnent ici en majesté. De cette majesté qui parvient à n’être jamais pompeuse et prétentieuse, mais qui vient élever. Elever les corps et les esprits tristes et fatigués. Toujours fortes du sens du détail ciselé dont le compositeur a le secret, les pièces de « Shape Of Words » sont plus chaleureuses encore que celles qui les ont précédées. Alternant gravité solennelle et lascive légèreté, sans jamais se départir d’une cohérence harmonieuse, elles viennent bercer et apaiser. S’il n’est qu’un seul album à écouter pour retrouver l’horizon perdu au creux des jours gris, c’est celui-ci. Merci Guy.
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Anozel « Paddy’s Club » – France, post-rock / slowcore (ma chronique ici)
Cette année, mon ovni musical favori ressurgissait dans ma vie. Lui, c’est Anozel. Anozel, ce groupe nommé d’après un petit col vosgien qu’il dit sans intérêt, reliant deux villages dont il dit qu’il y a pléthore, embrumé de ce qu’il appelle une petite dose de malaise. Cet inconfort indicible qui colle au lieu comme aux ambiances qui le peuplent. Anozel, ce groupe à l’univers singulier et au charme sans pareil. Ce charme, délicat, des inadaptés du monde actuel. Ce groupe pour lequel j’ai un amour qui, je le sais déjà, sera éternel. Cette année, donc, je recevais « Paddy’s Club ». Cinq pièces venues immédiatement me rappeler ce qui m’avait conquise lors de ma rencontre avec ces musiciens. Ces compositions audacieusement inclassables, où se côtoient rock, post-rock, noise, slowcore et hardcore. Cet art de brouiller les pistes. Cette ingénuité des sentiments. Et, par dessus tout, ces émotions saisissantes nées d’une musique à l’authenticité inégalée.
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AUA « The Damaged Organ » – Allemagne, shoegaze / krautrock (ma chronique ici)
« Qui suis-je et comment puis-je m’intégrer dans ce monde ? », c’est de cette quête d’identité, explorée à travers le concept d’aliénation et la sensation d’être étranger au monde, que se nourrit le deuxième album du duo allemand AUA. Un album aux multiples facettes, lui-même étranger au monde et à son temps, délicieusement vintage et enregistré à la mode DIY, tel est « The Damaged Organ ». Voix hypnotiques, rythmiques façon krautrock, guitares façon musique surf et arpèges de synthétiseurs à la John Carpenter, pour ce nouvel opus, Fabian Bremer et Henrik Eichmann n’ont pas eu peur de repousser encore plus loin les limites de leurs éclectiques explorations sonores. Et c’est délicieux.
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Bank Myna « Volaverunt » – France, post-rock / dark rock / musique expérimentale (ma chronique ici)
« Volaverunt », elles s’envolèrent. Tel est le nom d’une gravure de Goya, immortalisant une figure aux ailes de papillons et à l’étrange beauté, à l’intérieur de la série Los caprichos, satires tantôt réalistes, tantôt fantastiques de la société espagnole de la fin du XVIIIe siècle. « Volaverunt », elles s’envolèrent. Tel est le nom qu’a choisi de donner à son nouvel album la formation parisienne Bank Myna, sensible à l’esthétique et aux symboliques mystiques et tourmentées de l’artiste espagnol. De son post-rock sombre traversé d’une voix hypnotique et habitée, de ses drones cathartiques et de ses expérimentations sonores saisissantes, Bank Myna se fait l’artisan d’un univers crépusculaire, libre et singulier, et envoûte, avec « Volaverunt », plus que jamais.
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Daigo Hanada « Satori » – Japon, néo-classique (ma chronique ici)
Le talentueux pianiste japonais Daigo Hanada donnait naissance cette année à un magnifique nouvel album, fait des compositions intimes et raffinées dont il a le secret. Un album feutré, au pouvoir accrocheur immédiat. Sensible et doux comme de la soie. Avec « Satori », le compositeur japonais, en proie à de lourds soucis de santé, se révèle dans toute sa vulnérabilité. Fort et fragile à la fois. Fragile de ses souffrances, fort de ses combats. Il semble vouloir ici faire approcher le piano d’encore plus près, faisant pénétrer l’auditeur toujours plus au creux de ses sonorités tout en sensibilité. Dans le toucher en légèreté de ses doigts sur les touches. Dans le frottement des marteaux sur le feutre. Dans l’ajout par endroits de nappes éthérées de reed organ, équivalent moderne de notre harmonium européen, venant de ses résonances magnifier celles du piano. S’envolent ainsi dans les airs, tantôt de sobres, discrètes et paisibles mélodies, tantôt des notes mariées ensemble pour créer une atmosphère. Celle-ci est de celles où un rai de lumière tente de percer dans l’obscurité, venant enrober la mélancolie alentour d’une effluve de poésie.
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EF « We Salute You, You and You ! » – Suède, post-rock (ma chronique ici)
Alors que je fêtais cette année les 10 ans de Totoromoon, les post-rockeurs suédois de EF fêtaient leurs 10 ans de carrière quand je les rencontrais pour la première fois, à Paris, sur la scène du Batofar. C’était en 2013, leur musique tenait une place de choix dans ma discothèque depuis de nombreuses années déjà, mais la découvrir pour la première fois en live m’en avait encore davantage révélé la beauté. J’ai eu la chance de les revoir plusieurs fois au cours des années qui ont suivi. Et d’assister notamment en 2018, en Belgique, à la merveilleuse performance qu’ils ont donnée au Dunk! Festival. Ces cinq dernières années, je me suis souvent remémoré ce moment, me demandant ce qu’EF pourrait offrir de plus beau après ça. Et puis, il y a quelques mois, « We Salute You, You And You ! » est arrivé dans ma boîte à lettres. L’enthousiasme et la joie accrochés au coeur, j’ai dévoré d’un trait les 44 minutes du disque. Un disque dans lequel EF a su une fois de plus élargir son répertoire, tout en continuant de marier les éléments d’un post-rock orchestral et vocal aussi riche que sensible qui, depuis 20 ans, ne cesse de l’asseoir toujours un peu plus comme un pionnier incontournable du genre, avec audace et talent.
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Emilie Zoé « Hello Future Me » – Suisse, folk / rock (ma chronique ici)
C’était un soir d’hiver, au début de l’année 2019, rue de Belleville, dans la petite cave du Rigoletto. C’était une soirée organisée par En veux-tu ? En v’là !, donc avec des sourires, des bonbons et de la joie à tour de bras. A l’affiche, c’était Miles Oliver, Emilie Zoé et Louis Jucker. Si j’avais eu l’occasion de rencontrer Miles Oliver plusieurs fois, et si j’écoutais Louis Jucker depuis un moment déjà, je découvrais ce soir-là Emilie Zoé, sa complice artistique suisse depuis plusieurs années, pour la première fois. Et chez elle, immédiatement, tout m’a plu. Ses chansons douces-amères, ses grands yeux bleus, sa présence aussi magnétique que sa voix. Ecrit et enregistré en ces temps de pandémie, produit et arrangé par ses soins, avec le concours de Louis Jucker et Nicolas Pittet, « Hello Future Me », paru cette année, déploie huit pièces à la fois intimes et puissantes, à la croisée d’une folk et d’un rock sensibles, épurés et à l’écriture minutieusement ouvragée.
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Endless Dive « A Brief History of a Kind Human » – Belgique, post-rock (ma chronique ici)
Endless Dive donnait naissance cette année à « A Brief History of a Kind Human ». Une brève histoire d’humain gentil. Le jeune quatuor belge revenait donc cette année avec un nouvel album portant la gentillesse en étendard. Et ça ne fait pas de mal, dans ce monde de brutes, d’autant qu’il l’a fait en délivrant un opus merveilleusement abouti, navigant entre post-rock et math rock avec juste ce qu’il faut d’éléments électroniques, et déployant une musique plus créative, plus ciselée et plus enthousiasmante que jamais. Laissant place à l’improvisation pour rendre ses pièces moins prévisibles, explorant et expérimentant avec l’ajout de synthétiseurs, de boîtes à rythmes et de nappes électroniques, Endless Dive fait ici osciller ses morceaux entre arpèges de guitares atmosphériques dont ne rougirait pas Explosions In The Sky, et rythmiques énergiques et enlevées qui ne feraient pas pâlir Mutiny On The Bounty. Il livre ici un album virevoltant à la fois en subtilité, en force et en intensité. Et sans nul doute le plus réussi et le plus captivant de sa discographie.
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Esmerine « Everything Was Forever Until It Was No More » – Québec, post-rock / néo-classique (ma chronique ici)
Esmerine, les uniques. Esmerine, les fantastiques. Oeuvrant depuis l’an 2000 à Montréal, à l’initiative du percussionniste Bruce Cawdron (Godspeed You ! Black Emperor) et de la violoncelliste Rebecca Foon (Silver Mt Zion), Esmerine donnait le jour à la fin de l’été à « Everything Was Forever Until It Was No More », son septième album. Un album aux instrumentations foisonnantes, dans la droite lignée des précédents, mariant à bonheur la musique classique, le jazz, le post-rock, mais aussi la musique expérimentale et la folk, et continuant d’asseoir la formation québécoise comme l’une des plus captivantes au monde.
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Fontaines D.C. « Skinty Fia » – Irlande, post-punk / cold wave (ma chronique ici)
En 2020, au détour d’un hasard heureux d’internet, je tombais d’amour pour Fontaines D.C. J’y trouvais le post-punk de mon enfance au sommet de son art. J’y trouvais ces textes, portés par un accent indomptable, venus me cisailler les entrailles. J’y trouvais la rage contenue, l’urgence, la mélancolie. De ballades lancinantes en exutoires acérés, j’en savourais la beauté perçante et furieuse, au fil de mes écoutes frénétiquement répétées. Moins de deux ans après le sublime « A Hero’s Death », les Dublinois de Fontaines D.C., désormais basés en Angleterre, dévoilaient au printemps « Skinty Fia », leur troisième album. Un album aussi sublime que son prédécesseur, qui confirme le talent désormais incontestable du quintet irlandais.
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François Merlin « Les Magnifiques » – France, post-rock / néo-classique (ma chronique ici)
« Les Magnifiques » est fait d’orchestrations foisonnantes et singulières, d’assemblages inattendus. Il est ambitieux, inclassable et audacieux. Et aussi magnifique que son nom. A l’énergie et aux instruments originels du rock se marient ici piano, clarinette, flûte traversière, synthétiseur analogique, percussions et autres cordes vibrant à loisir, tandis que viennent planer ça et là sur l’ensemble quelques inclusions de samples à la variété fascinante et autres envolées de voix de soprane saisissantes. En faisant alterner de courts interludes en forme de petits collages, de grandes plages instrumentales et des pièces introspectives hors du temps, François Merlin s’applique à faire vivre, à travers une multitude de voix musicales différentes, une multitude de récits de vie à l’heure du pointage, du travail à l’usine, des luttes syndicales et des luttes du quotidien. Il invite à se souvenir mais aussi à témoigner de l’héritage d’existences secrètes, de vies anonymes, de ceux qu’il appelle les « magnifiques ordinaires ». Et à regarder l’avenir avec autant de ferveur que d’humilité. Il le fait avec une sensibilité unique et un sens du détail absolument remarquable.
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Geoffrey Le Goaziou « Somewhere Quiet » – France, folk (ma chronique ici)
J’ai longtemps boudé la musique folk. Faisant le grand écart entre une formation musicale de piano classique et un goût prononcé pour le rock depuis l’enfance, je n’y avais jamais vraiment été sensible ni sensibilisée. J’ai commencé à m’en approcher timidement il y a quelques années, par le biais de découvertes lors de soirées de concerts, puis de quelques jolis disques reçus dans la boîte à lettres de Totoromoon. Des concerts et des disques dont les notes et les voix ont trouvé une résonance en moi. Venant faire écho à quelque chose qui ne demandait peut-être qu’à être apprivoisé, et qui se cachait là. Je recevais ainsi il y a quelques mois par le biais du beau label Daydream Music le premier album d’un jeune auteur compositeur nantais, du nom de Geoffrey Le Goaziou. Membre du collectif Folk Forty Four et chanteur du groupe d’indie folk Ämelast, Geoffrey Le Goaziou livre une folk à la fois intimiste, épurée et lumineuse, portée par sa guitare et sa voix, toutes deux plus délicates et aériennes l’une que l’autre, et rehaussée simplement de quelques arrangements de synthétiseurs, de choeurs ou de cordes. Un album à la fois tendre et émouvant, bijou de chaleur et de raffinement à découvrir absolument.
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Georgeson « The Solitude of an Endless Sky » – Belgique, néo-classique (ma chronique ici)
Connu pour oeuvrer comme guitariste au sein du groupe de post-rock Celestial Wolves, et pour être membre actif de l’équipe Dunk!, le musicien belge Joris De Bolle alias Georgeson donnait le jour au début du printemps à son premier album solo, « The Solitude of an Endless Sky ». Un album fait de sept pièces de piano sur lesquelles planent ici et là quelques nappes de cordes et de synthétiseurs et, sur l’une d’elle, de douces et jolies voix. En délicatesse, en quiétude et en tendresse, un très bel album.
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GGGOLDDD « This Shame Should Not Be Mine » – Pays Bas, post-rock / dark rock (ma chronique ici)
Ovni magnifiquement inclassable et saisissant, GOLD, désormais orthographié GGGOLDDD, était de retour au début du printemps avec un nouvel album. Un album témoignage, construit autour de la thématique du viol subi par Milena Eva, sa chanteuse, lorsqu’elle était plus jeune. Un album entre force et fragilité, portant haut la résilience. Aussi captivant que ses prédécesseurs, « This Shame Sould Not Be Mine » continue d’asseoir le sextet hollandais comme maître dans l’art d’abattre les murs et de combler les fossés entre les scènes, les genres et les gens, à la faveur d’une musique se jouant des étiquettes pour donner vie à un univers sonore vibrant, habité de textes dont la portée se veut toujours férocement universelle, tout en étant ici plus intimes, engagés et poignants que jamais. Au bord du précipice, là où se rencontrent darkwave, post-rock et post-metal, la musique de GGGOLDDD semble toujours prête aussi bien à s’envoler qu’à s’effondrer. De cette voix féminine au charisme incomparable, hypnotique, écorchée, et plus puissante encore dans ce nouvel opus que par le passé, elle n’en finit pas de parer ses notes d’une beauté magnétique, inquiétante et ténébreuse, venant saisir les entrailles et imprimer sa marque immédiatement, et pour longtemps.
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Haythem Mahbouli « Last Man On Earth » – Canada, néo-classique (ma chronique ici)
Coup de coeur de mon printemps 2019 avec un fabuleux premier album solo, le compositeur, multi-instrumentiste et sound designer tunisien Haythem Mahbouli était de retour il y a quelques jours avec un deuxième album. L’attente est toujours grande quand on aime le travail d’un artiste. Le risque de la déception aussi. Mais point de déception ici. Dans ce nouvel opus conceptuel illustrant musicalement l’échec de l’humanité à préserver sa planète, le talent d’Haythem Mahbouli à créer des pièces au pouvoir évocateur incomparable est intact. Elles sont à la fois personnelles et universelles, troublantes, singulières et poignantes. Fortes et belles d’une sensibilité renversante.
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Incorruptible Bodies « To Walk A Glitter Path » – Angleterre, post-rock / folk / néo-classique (ma chronique ici)
« To Walk A Glitter Path » est le premier album de Daniel Neal, violoniste de la fabuleuse formation britannique Yndi Halda. Il m’a accompagnée tout l’été, m’enveloppant de ses notes élégantes et délicates avec une irrésistible douceur. Tranquillement, mais non moins intensément. Ici, un piano délicat se pare de quelques nappes synthétiques discrètes et éthérées. Là, viennent planer les vibrations émouvantes des violons. Bientôt se fait entendre une voix fragile. Puis une autre, répondant tendrement à la première. Elles sont tantôt claires, tantôt subtilement réverbérées. Toujours à la fois profondes et légères. Les échos d’un vocodeur surprennent un instant, avant de laisser place à de nouvelles beautés organiques et à la simplicité magnifiquement déchirante d’un texte murmuré au lieu d’être chanté. Il est question de littérature, d’étoiles, de fantômes et de nature, mais surtout d’histoires d’amour et de rupture. Dans chaque titre, se fait forte la puissance des émotions. Des émotions mises en musique de la plus tendre et sensible des manières, le long de mélodies portées par des sonorités soyeuses et minutieusement orchestrées. Un merveilleux album.
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Indignu « Adeus » – Portugal, post-rock (ma chronique ici)
Quatre années se sont écoulées depuis « Umbra », dernier album d’Indignu. Quatre années troublées, durant lesquelles Indignu a eu à affronter, en plus du désordre mondial, le décès d’êtres chers et l’érosion d’amitiés. Ces épreuves, au travers desquelles se dessine le sentiment renforcé de la préciosité de la vie, Indignu les a mises en musique dans « Adeus ». « Adeus », ou l’adieu. L’adieu séparation radicale, l’adieu promesse de nouvelles rencontres ou de retrouvailles, tels sont les différents signifiants qu’ont choisi d’explorer ici les vétérans du post-rock portugais. Et ils le font, comme à leur habitude, de la plus merveilleusement imagée et sensible des manières.
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Jean Jean « Fog Infinite » – France, post-rock / math rock / musique électronique (ma chronique ici)
Avec « Froidepierre », paru il y a quatre ans, Jean Jean avait pris une nouvelle route. Plus brumeuse, plus abrupte, plus ambitieuse. Il l’avait fait tel l’as du volant qu’il est. Avec talent. Sébastien Torregrossa et Edouard Lebrun y avaient été rejoints par Gregory Hoepffner, ajoutant basse et machines au duo guitare batterie du groupe. Portant toujours l’amitié en étendard, traversant ensemble les épreuves, déménagements et confinements, le trio s’enfonce encore plus avant sur cette nouvelle route avec « Fog Infinite », paru cette année. De son électro à la fois virevoltante et merveilleusement habitée, toujours teintée de ses complexes rythmiques originelles faisant à la fois vibrer l’échine et voyager, Jean Jean poursuit sa quête de singularité.
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Kramies « Kramies » – Etats-Unis, dream pop / folk (ma chronique ici)
Humain au coeur aussi grand que l’est son talent, Kramies est de ces rencontres qui marquent une vie. Depuis ma première interview avec lui, sa musique n’a cessé de venir bercer les jours et les nuits de la sentimentale que je suis. De sortie en sortie, sans jamais me décevoir, elle s’est installée un peu plus dans ma vie. M’autorisant à rêver éveillée, à la faveur de ses douceurs oniriques envoûtantes et singulières, elle n’a eu de cesse de continuer à faire de lui l’un de mes artistes favoris. Cette année, Kramies donnait le jour à un nouvel album. Un album réalisé avec une foule de prestigieux invités, mais portant son nom, comme pour mieux affirmer une identité mûrie au fil des ans. Y résonnent ainsi les contributions des excellents Jason Lytle de Grandaddy, Patrick Carney de The Black Keys, Jerry Becker de Train ou encore Tyler Ramsey de Band Of Horses. Tous réunis autour du talentueux songwriter américain pour élargir encore davantage, si tant est qu’il en fut possible, le champ de son immense créativité, le long de ces huit pièces en forme de beautés émouvantes et sensibles dont le musicien a le secret.
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La Petite Fosse « Catwalk » – France, folk / slowcore (ma chronique ici)
La Petite Fosse se dit envie de création, de liberté et d’évasion. Elle dit vouloir créer une bulle où les années n’auraient pas ruiné tout idéal, une bulle suspendue, encore un peu. Elle dit de « Catwalk » qu’il est ce moment entre deux, avant que la bulle n’éclate, avant que chacune et chacun ne soit rappelé à ses déceptions. « Catwalk » parle d’échos de l’enfance qui s’éloigne, de solitudes, de rendez-vous manqués. C’est sans doute pour ces raisons qu’il m’a tant parlé. C’est aussi parce qu’il est plein de l’irrésistible beauté de son authenticité. De sa voix délicate et de ses guitares réverbérées. Sa voix et ses guitares, lointaines, fragiles et tout en sensibilité. Sa profondeur infinie. Ses décrochements de rythmes lents. Sa trompette tout à coup déchirante, son xylophone émouvant. Son calme, planant sur un temps suspendu, jusqu’à un final vibrant, s’évanouissant dans l’air doucement.
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Lost In Kiev « Rupture » – France, post-rock / post-metal (ma chronique ici)
Alors que leur premier album fête cette année ses dix ans, les post-rockeurs parisiens de Lost In Kiev étaient de retour cet automne avec un quatrième opus. Si, dans « Rupture », le quatuor met en musique de la plus saisissante des manières les sujets écologiques et sociétaux qui le touchent, il y affirme également une personnalité musicale minutieusement forgée avec les années. Là où les âmes de nombreuses et savoureuses influences telles que celles de Mogwai, 65daysofstatic, Maybeshewill ou encore PG. Lost et This Will Destroy You sont habilement convoquées pour donner le jour à des pièces aux sonorités à la singularité de plus en plus affirmée. Sonorités elles-mêmes magnifiées par un enregistrement live réalisé dans le prestigieux studio lavallois d’Amaury Sauvé, conférant à « Rupture » une forme d’authenticité jusqu’alors inégalée dans la discographie du groupe.
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Mermonte « Variations » – France, orchestral pop (ma chronique ici)
Mermonte, pour moi, c’est la pluie fine de l’été s’abattant doucement sur une côte ensoleillée. C’est la mèche de cheveux mouillée. Le regard rieur. Les baisers salés. C’est aussi le moment d’après, entre les nuages, le ciel se colorant d’un éclat subtilement tendre et chaud. Les souvenirs heureux, parfumés de vague mélancolie. Les rêves d’avenir radieux. Dix ans après un premier album éponyme déjà merveilleusement réussi, huit ans après l’impétueux « Audiorama » et près de quatre ans après le lumineux « Mouvement », le collectif formé autour de Ghislain Fracapane était de retour cette année avec « Variations ». Un opus ambitieux où s’épanouit avec toujours autant de talent une pop orchestrale aérienne et flamboyante, ombrée de quelques touches de post-rock orageux. Celle-là même qui a rendue célèbre la formation rennaise, et qui continue ici de l’asseoir plus que jamais comme un incontournable du paysage musical français.
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Noise Above The Ocean « Lame 13 » – France, post-rock (ma chronique ici)
C’était il y a cinq ans, lors de la première édition du festival Post In Paris. Je rencontrais Noise Above The Ocean, une formation qui, à la faveur d’un sublime morceau découvert en concert, occupe depuis ce jour-là une place particulière dans mon coeur et mes souvenirs. Un an après cette rencontre, le prolifique projet mené par Aurélien Lebot donnait le jour à un nouvel album, le superbe « Down To You ! Earth », ode à la planète empreinte de poésie. Durant les quatre années qui ont suivi, le projet a pris le temps d’évoluer doucement. A la recherche de nouveaux sons, et de nouveaux textes pour faire de ses nouvelles pièces de véritables chansons. Une évolution téméraire de laquelle sont nés cette année deux EP et un nouvel album. « Lame 13 » est le quatrième album de Noise Above The Ocean, et sans nul doute sa plus audacieuse et délicieuse réalisation à ce jour.
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Oh Hiroshima « Myriad » – Suède, post-rock (ma chronique ici)
A force d’écouter de la musique exclusivement instrumentale, j’ai développé une oreille de plus en plus critique avec la musique chantée. Et, à l’exception du chant crié qui me donne de telles bouffées d’angoisse qu’il m’est impossible à écouter, je n’arrive bien souvent pas à expliquer pourquoi telle voix me plaît, et telle autre ne me plaît pas. Dans le post-rock, c’est pire encore. J’aime tellement les groupes dont seuls chantent les instruments, que ceux qui décident tout à coup d’introduire du chant dans leurs compositions me déçoivent régulièrement. Et puis, il y a les exceptions. Ces groupes qui parviennent l’exploit de me captiver de leurs nouvelles voix. Et Oh Hiroshima est de ceux-là. Oh Hiroshima, ou quand le post-rock trouve une voix. Passée il y a quelques années de quatuor à duo, et d’instrumentale à chantée, la formation suédoise était de retour cette année avec « Myriad », une nouvelle beauté à la fois énergique et sensible, qui continue de réussir la gageure de marier harmonieusement post-rock et chant. Toujours aériens, même dans leurs passages les plus denses, les morceaux se répondent harmonieusement les uns aux autres pour peindre une atmosphère forte d’une large palette sonore et qui ne cesse d’émouvoir, de conquérir et de transporter.
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Robin Foster « PenInsular 3 » – Angleterre, post-rock (ma chronique ici)
C’était au début du printemps, il y a tout juste cinq ans. Je venais d’emménager à deux pas du Café de la Danse. Et c’est précisément dans cette jolie salle de concert aux murs de briques, ce soir de printemps au ciel clair, que je rencontrais Robin Foster. Compositeur anglais résidant en France, à l’origine de nombreux projets et collaborations franco-britanniques, Robin Foster est venu, ce soir-là, cajoler mon âme de sa musique aérienne et vibrante. Cinq ans, plusieurs albums et bandes originales de films plus tard, c’est à bonheur que je savourais cette année le retour de son post-rock cinématographique avec « PenInsular 3 ». « PenInsular 3 », ou le dernier volet de « PenInsular », oeuvre en trois mouvements commencée il y a neuf ans, en forme d’hommage à la Presqu’île de Crozon, sa terre bretonne d’adoption. « PenInsular 3 », ou le dernier né conçu en solitaire, à la faveur d’un isolement insulaire, alors que le monde tournait au ralenti. Introspectif et apaisé, il est aussi beau et aussi doux pour l’âme que le concert attaché à mes souvenirs. Si « PenInsular 2 », paru en 2018, présentait deux morceaux réalisés avec des invités venus chanter, « PenInsular 3 » est entièrement instrumental. Cet élément, associé au contexte particulier dans lequel il a été composé, fait peut-être de lui l’album le plus personnel et le plus émouvant de Robin Foster.
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Tako Tsubo « Ghost Town » – France, dream pop (ma chronique ici)
Tako Tsubo ou le syndrome du coeur brisé. Essoufflement, palpitations, malaises, douleur brutale dans la poitrine qui irradie dans tout le corps… tel est le Tako Tsubo. Si c’est de cet état de souffrance et de profonde mélancolie auquel fait référence le duo musical bordelais pour se donner un nom, c’est aussi de la lumière nécessaire pour en sortir qu’il tire son inspiration. Les deux amis aiment Beach House, The XX et The Dø. Et ils puisent dans ces influences le meilleur pour donner vie à « Ghost Town », leur premier EP. Un disque en forme de voyage aux confins du mariage heureux d’une dream pop et d’une synth pop dans lesquelles une voix vaporeuse vient planer sur des nappes de guitares et de synthétiseurs éthérées. Un délicieux petit opus à savourer.
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The Coral Sea « Home Recordings Volume I » – Etats-Unis, slowcore / folk (ma chronique ici)
La musique de Rey Villalobos, alias The Coral Sea, est venue me saisir un soir d’hiver. Un soir d’yeux tristes, de coeur lourd et de mains qui tremblent. Elle est venue m’attraper, me réchauffer, m’apaiser. Sécher mes yeux, calmer mes mains, alléger mon coeur. Sous la forme d’une collection de sept chansons extraites de ses deux premiers albums et recomposées pour piano, guitare acoustique et synthétiseurs, elle est venue m’immerger dans un bain de douceur. Ces pièces, ainsi réécrites et réenregistrées à la maison, mettent en valeur de la plus saisissante manière qui soit à la fois la voix chaude et enveloppante du musicien, et l’essence lyrique de sa musique. Là où la mélancolie ne se départit jamais de la puissance réconfortante de la rêverie. Superbe.
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Tom Rogerson « Retreat To Bliss » – Angleterre, néo-classique / musique expérimentale (ma chronique ici)
Dans le saisissement des cavalcades de notes de piano magistralement improvisées. Dans l’envoûtement des nappes électroniques discrètes et ouatées. Dans l’enchantement des percées d’une voix paisible, sensible et lointaine. Là, au croisement, se situe « Retreat To Bliss ». Diplômé de la Royal Academy Of Music et talentueux pianiste d’improvisation, collaborateur de Brian Eno et leader de Three Trapped Tigers, formation connue pour ses mélanges innovants d’éléments de musique électronique, de jazz et de noise rock, mais aussi pour ses performances aux côtés de Deftones ou encore The Dillinger Escape Plan, Tom Rogerson donnait le jour cette année à son premier album solo. « Retreat To Bliss » ou le retour du pianiste et compositeur dans le Suffolk de son enfance. « Retreat to Bliss » ou la traversée des montagnes russes de la vie, de la naissance de son enfant à la perte de l’un de ses parents, en passant par la découverte de son affection d’une forme rare de cancer du sang. « Retreat To Bliss », ou l’un des albums les plus époustouflants et les plus sidérants de beauté qui m’ait été donné de découvrir cette année.
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We Were Heading North « Three » – Espagne, post-rock (ma chronique ici)
« Cet album ne devait pas exister », c’est ainsi que Ione Rodriguez, leader de We Were Heading North, présente « Three ». « Three », ou le troisième album de la formation canarienne active depuis 2014 sur la belle île de Tenerife. « Three », ou celui qui n’aurait pas dû exister, le musicien ayant décidé après la sortie de « We Were Heading North » en 2016, puis de « Lightness » en 2018, de mettre un terme au projet. Quatre ans après, « Three » est finalement révélé au monde. « Three », ou l’album né d’un enfermement forcé. « Three », ou sept compositions sans paroles plus expressives et intenses encore que celles qui les ont précédées. Un album dont il aurait été plus que dommage qu’il n’ait pas existé, et que je vous invite à découvrir sans tarder.
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Et pour celles et ceux qui n’auraient pas encore eu l’occasion de la découvrir, voici « Il n’y a pas de cadavre donc pas de mort vraiment », ma première collaboration musicale avec le talentueux Jérôme Josselin (Féroces, Dark Supreme) :
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Très belle année 2023 à chacune et chacun de vous,
Eglantine / Totoromoon