Ces 10, 11 et 12 mai 2018, se tenait en Belgique la 14e édition du Dunk! Festival. Une première pour moi, invitée à assister en tant que chroniqueuse au festival le plus légendaire de la scène post-rock. Rêve devenu réalité.
Depuis 2005, le Dunk! Festival oeuvre à faire connaître les talents de la scène post-rock internationale. En quelques années, le festival mené par Luc et Wout Lievens est devenu une légende pour tous les amoureux de post-rock et dérivés du genre. Mais s’il l’est devenu, ce n’est pas seulement pour les choix de sa programmation, c’est aussi pour la qualité de son organisation et l’atmosphère unique qui y règne.
Il n’est qu’à lire le descriptif de l’événement sur son site officiel pour comprendre : « L’équipe Dunk! est entièrement composée de bénévoles qui ne sont là que pour l’amour de la musique et pour le plaisir d’organiser ce festival. Le noyau de l’équipe (5 à 10 personnes), qui travaille tout au long de l’année pour mettre en place ce festival, est composé uniquement de familles et d’amis de longue date. Les bénévoles travaillant au festival (plus de 50 personnes chaque jour) sont des oncles, des tantes, des cousins, des grands-parents, des amis et des voisins. Tous se réjouissent de ce week-end de printemps, durant lequel ils pourront vous accueillir, amoureux de post-rock, et vous offrir une bière fraîche ou un repas savoureux. »
Un festival qui soit à la fois familial et d’une qualité professionnelle irréprochable, tels sont les défis relevés haut la main par le Dunk! Festival.
D’abord, il y a cette atmosphère chaleureuse sans pareille, qui se dégage de l’événement et des personnes qui le font, qu’il s’agisse de l’équipe organisatrice ou des festivaliers. Ces sourires, cette convivialité, cette bienveillance.
Et puis, il y a tout le reste. Un cadre magnifique, au coeur d’une nature accueillante et que chacun prend soin de respecter. Une organisation soignée, au souci du détail incomparable, du petit déjeuner offert à tous les campeurs, au café gratuit à disposition toute la journée. Une scène principale dressée sous un grand chapiteau tout de parquet vêtu. Une seconde scène en plein air, au coeur de la forêt, où la musique s’élève par-delà la cime d’arbres majestueux. Un réfectoire accueillant, où déguster une cuisine locale servie comme au restaurant, assorti d’un espace de foodtrucks et de bars proposant des plats originaux et des bières belges rafraîchissantes. Une large tente réservée au merchandising et aux interviews. Un site d’une propreté notable, au décor travaillé jusque dans les guirlandes lumineuses disposées d’arbre en arbre sur tout le trajet reliant les deux scènes au milieu d’une nature verdoyante. Le tout gravitant autour d’une programmation musicale parfaite pour tous les amoureux du genre.
Pour cette édition 2018, le Dunk! Festival proposait 36 groupes venus du monde entier, de la Belgique à la Chine, en passant par l’Inde, le Chili, les Etats-Unis, le Canada, l’Afrique du Sud, la Slovaquie, l’Allemagne, la Pologne, ou encore l’Angleterre, la Norvège, la Suède et la France.
36 concerts alternant pendant trois jours sur deux très belles scènes, offrant chacune un cadre magnifique, une qualité de son exceptionnelle pour un festival, et des jeux de lumières époustouflants.
Sans aucun doute le plus beau festival auquel il m’ait été donné d’assister.
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Hemelbestormer (Post-Metal – Belgique)
En ce 10 mai après-midi, mes amis parisiens et moi arrivons en voiture à Zottegem. Après installation au camping et exploration du site, c’est avec un sourire déjà radieux que nous nous dirigeons vers le chapiteau abritant la scène principale. Et ce sourire ne fera que s’agrandir d’heure en heure. Nous sommes arrivés trop tard pour entendre La Bestia de Gevaudan, Tortuganonima et I Am Wolves, qui ouvraient le festival dès 13h, mais nos tympans sont fin prêts.
Il est un peu plus de 15h, le groupe belge Hemelbestormer s’apprête à monter sur scène. Celle-ci est grande et belle, pourvue d’une installation son et lumière magnifique. Cerise sur le cheesecake, je me rends compte que je marche sur du parquet et pas dans la terre. Bonheur.
Hemelbestormer vient tout juste de donner le jour à son troisième album, « A Ring Of Blue Light ». Le quatuor déploie un son lourd et dense, à la croisée du post-rock et du post-metal. Deux guitares, une basse et une batterie, des envolées abrasives et une jolie énergie. Une belle entrée en matière pour cette première journée de festival.
A écouter :
Bandcamp : https://hemelbestormer.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/Hemelbestormer
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Astodan (Post-Rock – Belgique)
A peine le concert terminé, nous nous dirigeons vers la deuxième scène pour le set des Belges d’Astodan. Le cheminement dure quelques minutes, à travers les arbres éclairés de jolies guirlandes lumineuses. Au coeur de la forêt, au bas d’une petite pente, se tient une scène posée dans la verdure. Ici, les notes se déploient au plus près de la nature. Magique.
Jeune quintet belge, Astodan fait s’élever ses compositions instrumentales par-delà les plus hautes branches, tandis que le vent fait délicatement bruisser les feuilles. Les guitares sont à la fois atmosphériques et puissantes. La batterie est percutante. L’ensemble est fort de beaux reliefs, aux escarpements habilement dosés. Un set intense et savoureux.
« Ameretat », premier album réussi d’Astodan, est paru il y a quelques jours au format numérique, il sera disponible prochainement au format vinyle via Dunk! Records.
A écouter :
Bandcamp : https://astodan.bandcamp.com/releases
Facebook : https://www.facebook.com/astodanband/
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( BOLT ) (Drone – Allemagne)
Le temps de faire une petite pause et nous sommes de retour dans la forêt pour le concert des Allemands de ( BOLT ). Entre drone, doom et noise, le groupe officiant autrefois sous forme de duo s’est transformé pour son nouvel album en trio, ajoutant un batteur à sa formation originelle. De vagues de guitares sourdes en silences angoissants, de nappes sombres et lentes en explosions de rythmes effrénées et tonitruantes, ( BOLT ) déploie ses longs morceaux avec une force magistrale. Catharsis parfaite au creux des bois.
« (04) », dernier album de ( BOLT ) paru à l’automne dernier, est disponible au format vinyle chez Dunk! Records.
A écouter :
Bandcamp : https://wearebolt.bandcamp.com/music
Facebook : https://www.facebook.com/wearebolt/
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Ranges (Post-Rock – USA)
Quelques minutes plus tard, c’est à bonheur que nous retrouvons les Américains de Ranges sur la grande scène, quelques jours seulement après leur concert parisien. Les souvenirs de leur très beau set dans le petit bar de L’International, à Paris, sont encore frais dans nos mémoires, et je suis, pour ma part, très heureuse d’avoir le plaisir de les entendre de nouveaux, sur la grande et belle scène du Dunk! Festival.
Quintet venu du Montana, Ranges déploie un post-rock instrumental tout en lumière et en belles émotions. Les sonorités atmosphériques du groupe se répandent à bonheur sous le grand chapiteau, d’envolées aériennes en murs de sons vibrants. L’élégance à la fois en légèreté et en intensité du groupe est à son paroxysme.
Un délice de concert, que le groupe immortalise en se faisant prendre en photo avec la salle en liesse.
A écouter :
Bandcamp : https://ranges.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/rangesmusic/
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EF (Post-Rock – Suède)
Le concert suivant étant celui que j’attends avec le plus d’impatience en ce premier jour de festival, je reste sous le chapiteau pour me positionner au mieux. Ma dernière rencontre avec les Suédois de EF avait eu lieu à l’automne 2016, à Paris, alors que le groupe venait présenter « Vāyu », son nouvel EP paru chez Pelagic Records. Un souvenir d’une beauté saisissante, comme à chacune des prestations live de ces musiciens sensibles et talentueux.
Le quintet prend bientôt place sur scène et, dès les premières mesures, un voile de douce mélancolie vient se poser sur l’auditoire. Portées par une voix aux variations de toute beauté, les compositions du groupe se déploient en délicatesse et en majesté. Les mélodies ciselées résonnent au gré d’orchestrations travaillées avec un soin remarquable. Entre lumière et obscurité, calme et envolées somptueuses, le groupe captive le public, silencieux et attentif. Inspirante et inspirée, telle est la musique de EF. Tout en finesse, les sonorités originales et envoûtantes transportent vers des chemins qui vont tout droit toucher l’âme.
Et quand, à la fin du set, l’un des musiciens descend dans la salle, et vient s’asseoir parmi la foule, l’enchantement est à son comble. Tout le public l’imite et s’assied. Les notes aériennes du mélodica, petit instrument à vent muni d’un clavier, s’élèvent doucement. Les larmes ruissellent sur les visages autour de moi. Sublime.
Un moment de grâce, suspendu hors du temps. Le plus beau concert de cette journée, et sans nul doute le plus émouvant de tout le festival.
A écouter :
Bandcamp : https://efmusicsweden.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/efmusic
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Thot (Noise – Belgique)
A peine le temps de se remettre de ses émotions que la musique de Thot résonne dans la forêt. Je suis heureuse de retrouver la formation que j’ai découvert il y a peu de temps à Paris, à l’occasion d’une soirée de concerts au Supersonic. Un beau moment, que j’avais hâte de renouveler au Dunk! Festival.
Nulle autre scène n’aurait pu mieux convenir à la musique de Thot que la scène nichée au coeur de la forêt. Au plus près des éléments, sous le regard imposant des arbres et du vent, les compositions de Grégoire Fray, Français résidant en Belgique depuis de nombreuses années, se déploient à bonheur. Entre rock, noise et musique électronique, Thot aime à qualifier son oeuvre de « vegetal noise music ». Ode à la nature, son immuable source d’inspiration, sa musique se déploie à la faveur d’une force nourrie de rage et d’espoir.
Pour le live, le musicien est accompagné de trois comparses, dont deux femmes coiffées de bois de cerfs. Costumes parfaits pour cet habitat naturel dans lequel se tient le concert. Les voix y sont puissantes, conquérantes. Les guitares y sont abrasives et les claviers à la fois denses et aériens. Au creux de la nuit, alors que dansent les ombres intrigantes des feuilles et des branches, Thot livre un set à la fois poétique et intense. Envoûtant à souhait.
Le dernier album de Thot, « Fleuve », est paru à l’automne dernier, et je vous le recommande vivement.
A écouter :
Bandcamp : https://thot.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/Thotmusic/
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Caspian (Post-Rock – USA)
Cette journée de festival s’achève avec le concert d’un groupe cher à mon coeur depuis de nombreuses années, les Américains de Caspian. Epiques et intenses, telles sont toujours les prestations live de Caspian.
Le groupe entre en scène sur les mots d’un poème de Charles Bukowski « There’s a bluebird in my heart, that wants to get out… », ouverture de set solennelle et magnifique. Puis, dans la fulgurance du son, dans le grondement des ondes de basses et le brouillard des murs de guitares poussées à saturation, le quintet de Boston déploie ses compositions avec fougue. Il est ravi d’être là, pour ce que Philip Jamieson, son guitariste, qualifie de « best festival of the fucking world ».
Au gré des crescendos et decrescendos, des explosions de rythmes et du bruissement des guitares, tantôt éthérées, tantôt furieuses, Caspian emporte l’adhésion de son auditoire. Les corps tremblent et vacillent, les têtes plient sous le poids des notes et de l’exaltation. Superbe.
Un très beau set, et une très belle manière de clôturer cette première journée riche en émotions.
A écouter :
Bandcamp : https://caspiantheband.bandcamp.com
Facebook : https://www.facebook.com/CaspianTheBand/
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Mes live reports des deuxième et troisième journées du festival à retrouver ici très bientôt.
Eglantine / Totoromoon
Totoromoom,
merci beaucoup pour cette chronique. Je ne connaissais pas ce festival. Depuis le temps que j’écoute du post-rock, c’est presque honteux d’avoir rater autant de bons groupes et de belles découvertes. J’ai hâte d’y aller l’année prochaine.
C’est toujours un plaisir de vous lire.
Continuez ! Vos chroniques sont du baume au coeur.
Un grand merci Nicolas et pardon d’avoir autant tardé à répondre à ce gentil commentaire. Au plaisir de partager le Dunk! Festival avec vous l’année prochaine !
Yeahhhh.
Quelle magie offerte par ce festival et toute la dunk!team qui sont si chaleureux et accueillants.
Tu as du prendre une sacrée claque.
Pour être monté la bas plusieurs années de suite en tant que public et y avoir joué une année c’est un festival hors du commun où le temps n’existe plus.
Merci encore pour le partage de tes découvertes et ta motivation.
Merci à toi de ta lecture et de ton enthousiasme. J’espère avoir la joie d’entendre un jour The Beauty The World Makes Us Hope For en live ! N’hésite pas à me tenir au courant 🙂