FRANÇOIS MERLIN Les Magnifiques

Il arrive parfois, dans la vie, qu’une suite d’événements fasse tout remettre en question. Donne envie de tout changer. D’envoyer valser ce qui semble tout à coup dispensable. Pour se concentrer sur l’indispensable.

Ces événements qui rappellent la fragilité de l’existence. Qui rappellent qu’on peut un jour être là, puis, du jour au lendemain, plus là. Quand un être cher disparaît tout à coup. Quand un autre manque, quelques jours plus tard, de disparaître à son tour. Quand, interdit, on ne sait plus très bien, nous, ce qu’on fait là.

C’est confronté au deuil presque simultané de ses deux grands-pères que François Merlin a composé « Les Magnifiques ». C’est confrontée au deuil puis au grave accident de deux êtres chers que je l’ai découvert.

Il est arrivé dans ma boîte à lettres sous la forme d’un beau vinyle, soigneusement emballé dans une épaisse et large pochette cartonnée. Il était accompagné d’un dossier de presse, d’une biographie de son auteur, et de quelques mots gentiment écrits à la main sur une carte couleur crème. De ces cartes manuscrites que j’aime tant, et que j’aime d’autant plus qu’elles sont désormais de plus en plus rares, à l’heure où tout est tapé sur un clavier d’ordinateur ou de téléphone.

« Les Magnifiques », à l’image de la carte manuscrite au charme désuet qui l’accompagnait, est un hommage intime et vibrant à une génération. Mais, en invitant à se concentrer sur les souvenirs, il invite aussi à se concentrer sur les désirs d’avenir. Sur ce que le passé nous enseigne, sur ce que la perte d’êtres chers nous fait réaliser, sur ce que l’on souhaite, tout à coup, que l’horizon nous promette.

« Les Magnifiques » est fait d’orchestrations foisonnantes et singulières, d’assemblages inattendus. Il est ambitieux, inclassable et audacieux. Et aussi magnifique que son nom.

De Magnifique Ier (Le métronome de Fantômas) à Magnifique VIII (Redoutable Turandot), « Les Magnifiques » déploie huit morceaux en forme de mouvements d’une même symphonie moderne. S’il commence en reprenant les sonorités finales de « Persona », son prédécesseur, ce deuxième opus solo, mixé et masterisé par Sébastien Lorho (Mermonte, Dominic Sonic, La Battue, Octave Noire) mais entièrement écrit, arrangé et produit par le musicien, ajoute aux influences post-rock du premier celles d’une tradition instrumentale française des grands compositeurs et arrangeurs de la fin des années 60 et du début des années 70, ainsi que celle d’un versant néo-classique plus contemporain. A l’énergie et aux instruments originels du rock se marient ainsi piano, clarinette, flûte traversière, synthétiseur analogique, percussions et autres cordes vibrant à loisir, tandis que viennent planer ça et là sur l’ensemble quelques inclusions de samples à la variété fascinante et autres envolées de voix de soprane saisissantes. Le refus de recourir aux instruments numériques, sans pour autant renoncer aux riches orchestrations, confère au disque une personnalité à la fois forte et délicate, marquée par des sonorités organiques travaillées avec un soin incomparable.

En faisant alterner de courts interludes en forme de petits collages, de grandes plages instrumentales et des pièces introspectives hors du temps, François Merlin s’applique à faire vivre, à travers une multitude de voix musicales différentes, une multitude de récits de vie à l’heure du pointage, du travail à l’usine, des luttes syndicales et des luttes du quotidien. Il invite à se souvenir mais aussi à témoigner de l’héritage d’existences secrètes, de vies anonymes, de ceux qu’il appelle les « magnifiques ordinaires ». Et à regarder l’avenir avec autant de ferveur que d’humilité. Il le fait avec une sensibilité unique et un sens du détail absolument remarquable. Un disque à l’univers aussi captivant que merveilleusement singulier.

« Les Magnifiques » est disponible aux formats numérique et vinyle depuis le 18 octobre via Araki Records.

A découvrir, la vidéo de Magnifique IV (Callas à la mer) :

Pour écouter l’album :

Tracklist :

  • Magnifique Ier (Le métronome de Fantômas)
  • Magnifique II (Scaramouche à vélo)
  • Magnifique III (Messe sur le terril)
  • Magnifique IV (Callas à la mer)
  • Magnifique V (L’usine sur la digue)
  • Magnifique VI (Radio à l’opéra)
  • Magnifique VII (La sieste de Zorro)
  • Magnifique VIII (Redoutable Turandot)

Bandcamp : https://francoismerlin.bandcamp.com/releases
Facebook : https://www.facebook.com/fran.merlin
Instagram : https://www.instagram.com/franz_merlin/

Eglantine / Totoromoon


3 réflexions sur “FRANÇOIS MERLIN Les Magnifiques

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